Sa Sainteté le Karmapa enseigne sur « la manière de travailler avec les trois types de vœux »
Le 8 Décembre 2009- Le Monastère Tergar, Bodhgaya
Après la journée de débat sur les trois types de vœux selon les différentes écoles, Sa Sainteté le Karmapa a commencé par souligner qu’il était important d’avoir une compréhension claire sur notre propre position et sur celle des autres. Lorsque nous exposons de nombreuses positions, le Karmapa a remarqué que les gens devenaient parfois confus et mélangeaient la vue de leur propre école avec celle des autres. Les grands érudits du passé ont composé des traités qui analysent les points cruciaux en réfutant les écrits des autres et en établissant les leurs afin que le raisonnement fondé sur leur position soit clair pour nous. Il a observé que de tels textes commencent souvent par contrecarrer les vues des autres et qu’ils peuvent être utilisés comme des paroles dures qui peuvent nous prendre au dépourvu. Si nous sommes déstabilisés par le langage puissant des érudits utilisé pour s’opposer à la vue des autres, du fait que nous étudions leurs textes, il est important de garder à l’esprit quelles étaient leurs intentions.
Lorsque nous lisons par exemple les traités du Huitième Karmapa dans lesquels il débat vigoureusement contre ses opposants, nous devons maintenir à l’esprit que le but est de couper court aux vues erronées plutôt que de trouver des fautes chez les autres. De tels débats étaient utilisés parmi les grands érudits yogis qui maintenaient fermement leur position avec la motivation de déployer les enseignements pour le bienfait de tous les êtres. Ces derniers ont tous des attitudes et aptitudes différentes, et de ce fait nous avons besoin de plusieurs présentations ; s’appuyant sur cela il est approprié et nécessaire que le Dharma offre de nombreuses vues.
Sa Sainteté a par exemple cité Lama Tsongkhapa, le fondateur de l’école Guélougpa qui a débattu sur de la dégénérescence de la discipline monastique de l’école Sakyapa. Il en résulta de nombreux débats virulents entre les érudits Sakya, Gorampa, Shakya Chogden, Lama Tsongkhapa et ses disciples. Il est toutefois complètement erroné d’en conclure que ces discussions étaient animées par la compétition et l’orgueil; ces grands lamas étaient totalement libres de ces types d’émotions et avaient atteints de hautes réalisations en accord avec le Dharma. En effet, les commentaires de Lama Tsongkhapa ont redonné un grand intérêt sur les études et la pratique du Vinaya. Se fondant sur cela, le Karmapa a souligné que ces débats virulents ont donné de la force au dharma, aident à rester frais, et qu’ils se sont étendus au Tibet. Toutefois, il est approprié de regarder avec respect ceux qui nous initiés et ceux qui ont participés dans de tels débats.
En revenant sur le sujet de discussion, le Karmapa a continué à commenter le fait que ceux qui tenaient les vœux d’upasaka ou de guényèn (tib) - vœux pour les laïcs- et ceux qui conservaient les vœux monastiques formaient la base des enseignements du Bouddha. Par exemple, une maison bien construite a besoin de quatre piliers, tout comme les enseignements du Bouddha qui sont fondés sur les quatre piliers d’upasakas et d’upasikas (préceptes tenus par les hommes et femmes) ainsi que sur les piliers des bhikshus et bhikshunis (moines et nones pleinement ordonnés). Parmi l’ordre monastique, les communautés monastiques des moines et nones sont considérées comme supérieures et suprêmes. Au sein des laïcs, les plus élevés sont ceux qui tiennent les vœux des laïcs hommes et femmes. Lorsque ces quatre sont présents « une maison devient alors stable ». Le Karmapa a insisté que la présence des ces quatre types de vœux était indispensable pour que les enseignements du Bouddha puissent demeurer longtemps et fleurir. Il a ajouté que ces sujets de discussion devraient être lancés au cours de la prochaine conférence sur le Vinaya.
En continuant le sujet sur les différentes communautés qui contribuent au Dharma, le Karmapa a porté son attention aux fidèles laïcs et a commenté plusieurs façons leur permettant d’approfondir leurs engagements en prenant les vœux d’upasaka ou de guényèn (tib). Par ce biais, les laïcs y trouveront plusieurs bénéfices et pourront considérer qu’ils reçoivent les vœux directement du Bouddha et qu’ils conservent une éthique qui est le fondement même du Dharma. Le Karmapa a ensuite décrit 100 différents types de vœux d’upasakas- il y a des personnes qui observent seulement un vœu pendant un temps limité, d’autres vont jusqu’à observer les vœux de célibat pour la vie, d’autres encore s’abstiennent de développer les dix actes négatifs. Avec de si nombreuses options, il a notifié que le Dharma offre de nombreuses opportunités aux personnes pour progresser graduellement en s’engageant seulement sur ce qu’ils peuvent préserver.
Le Karmapa a ensuite mentionné le cas de conflits entre les différents types de vœux. Par exemple, si l’on se retrouve dans une situation où nos vœux de bodhisattvas nous demande de nous engager dans certaines actions qui bénéficient autrui et qui sont prohibés par nos vœux de pratimoksha, le vœu le plus élevé devient prioritaire. Au cours de la discussion, le Karmapa a réaffirmé que nous devons toujours maintenir strictement tous nos vœux, mais ce conseil s’applique dans les cas où les conflits en rapport avec les vœux sont mis en cause. En même temps, le Karmapa a expliqué que si un bhikshu est dans la situation dans laquelle ses vœux les plus élevés l’amènent à s’engager dans des actes qui peuvent nuire à la foi des laics, il doit d’abord rendre ses vœux puis agir en tant qu’une personne laïque et non en tant que monial(e).
Sa Sainteté a mentionné que nous devons être plus souples dans l’application de nos vœux de bodhisattva que dans celle de nos vœux de pratimoksha. Lorsque nous prenons les vœux de bodhisattva nous faisons le choix de les maintenir jusqu’à l’éveil, alors que les vœux de pratimoksha ne se prennent qu’au cours de cette vie. Cependant, ces derniers nous demandent de discipliner notre esprit. Il est plus facile de réduire nos actions du corps et de la parole que notre esprit lui-même. Afin de développer beaucoup de courage et de maintenir les vœux de bodhisattava jusqu’à l’éveil, nous avons besoin de plus de souplesse. Toutefois, dans le cas des vœux de pratimoksha qui sont seulement pris au cours de cette vie et qui visent à discipliner notre corps et notre parole, il est demandé de les conserver strictement.
Dans tous les cas, le conseil du Karmapa est que nous devons observer nos vœux de pratimoksha afin de maintenir nos vœux de bodhisattva. Le Karmapa a décrit avec des mots clairs les qualités que possèdent les bodhisattvas. En premier lieu, les bodhisattvas ne sont pas sous le joug de leurs émotions mais sont purement touchés par un sentiment de compassion envers autrui. Si le but est de bénéficier les êtres, les bodhisattvas descendront avec joie dans les enfers les plus insupportables comme si ils plongeraient dans un lac, mais seulement si cela peut contribuer aux bienfait d’autrui. Un bodhisattva maintient différents vœux au fond de son être et agi selon les préceptes afin de bénéficier aux autres. Un bodhisattva a l’habilité de déployer différents moyens pour aider les êtres. Un bodhisattva peut anticiper sur la façon dont les gens peuvent répondre à ses actes. Un bodhisattva a le pouvoir de savoir qui peut bénéficier d’une action et ne s’implique pas dans des actes qui bénéficient à peu de gens au détriment d’un grand nombre de personnes. Un Bodhisattva doit être très courageux. Sa Sainteté a rajouté que dans les textes les bodhisattvas sont vraiment perçus comme des « Héros ».
Pour conclure l’enseignement, Sa Sainteté a lu un chant de Milarépa sur la compréhension fondamentale de ce qui doit être adopté et ce qui doit être abandonné. Nous avons aussi besoin d’une claire perception sur ce que nous voulons accomplir à travers notre pratique, autrement, si nous étudions pendant vingt ans et lorsque vient le moment de savoir ce qui est à appliquer dans notre pratique actuelle et ce qui est à éviter, et que nous ne savons pas comment agir, nous sommes comme une personne qui a échouée. C’est comme passer une grande partie de son temps à penser et à parler de ce que l’on va manger et lorsque nous sommes dans un restaurant nous ne savons quel plat commander. Enfin, Sa Sainteté a notifié que le but de notre pratique du Dharma est de ce pacifier notre esprit. C’est ce que nous développons à l’intérieur qui compte. Le point important est de ne pas « porter » notre pratique du Dharma visible que de l’extérieur comme un acteur qui porte un nouveau costume, mais de transformer essentiellement notre propre esprit.