Les premières années du Karmapa (1985-1992)
Lorsque l’équipe de recherche arriva dans la région Est du Tibet, à Lhatok, ils découvrirent qu’un enfant dont le lieu et la date de naissance coïncidaient avec les détails de la lettre de prédiction du Seizième Gyalwang Karmapa y vivait. Questionnés, les parents racontèrent les signes particuliers qui accompagnèrent la naissance de leur fils, les rêves de bon augure qu’ils avaient fait, ainsi que ceux de leurs enfants, l’oiseau extraordinaire annonçant la naissance, le son d’une conque après la naissance, et bien d’autres évènements.
L’équipe de recherche avait de son côté confirmé la plupart de ces signes au travers des conversations avec d’autres éleveurs nomades. Les premières années de l’enfant, portant à l’époque le surnom d’Apo Gaga, confirmaient toutes les prédictions du testament sacré du 16ème Gyalwang Karmapa.
Le Dix-septième Gyalwang Karmapa est né dans la communauté de nomades de Bakor, à l’Est du Tibet, le 8ème jour du 5ème mois de l’an bœuf-bois du calendrier tibétain (le 26 juin 1985). Son père s’appelait Karma Döndrub Tashi et sa mère, Loga. Il a 6 sœurs et 3 frères. (Son village natal comptait soixante-douze familles de nomades, pour une population de 430 personnes.)
La jeune vie nomade
La naissance se déroula sans aucune difficulté pour la mère et s’accompagna de nombreux présages favorables. Il fut nommé Apo Gaga qui signifie « heureux frère » (un surnom donné par sa sœur). Bien avant sa naissance, sa mère avait fait des rêves extraordinaires, tel celui dans lequel trois grues blanches lui offraient un bol de yoghourt. Un jour, un bel oiseau d’un genre peu commun, se posa sur la tente familiale et entonna une douce mélodie. Une autre fois, on vit apparaître un arc-en-ciel au-dessus de la tente.
Dans l’après-midi du 3ème jour suivant sa naissance, le son d’une conque résonna à travers la vallée pendant environ une heure. Durant une autre demi-heure, plusieurs instruments de musique furent clairement entendus par toute la communauté de nomades. Des fleurs, que l’on n’avait jamais vues auparavant dans la région se mirent à éclore.
Un jour, alors qu’il jouait avec sa plus jeune sœur, le jeune Apo Gaga s’exclama soudainement : « Oh, regarde ! Père est tombé ». Sa sœur lui répondit : « Ne fais pas de mauvais présages ! ». Alors tout naturellement, comme si il était témoin de la scène, il dit : « Tout va bien maintenant ». À son retour, leur père rapporta que le véhicule qui le transportait avait dérapé, quittant la route en faisant basculer le chargement de bois sur lui, mais que personne n’avait été blessé.
Le jeune Karmapa fut traité par ses parents avec grand respect, et montra des talents remarquables. Cependant, lui-même pensait que ce n’était pas la preuve d’un pouvoir surnaturel, mais uniquement la manifestation des enseignements du Bouddha et l’accomplissement des Karmapas précédents. Bien que de nombreux signes merveilleux se soient produits, il pensait qu’il serait irrespectueux de se considérer comme le Karmapa avant l’arrivée de l’équipe de recherche officielle. Ainsi, durant son enfance, il se considérait comme tous les autres enfants de son âge.
Il vivait avec sa famille, très modestement, résidant dans une tente et migrant au gré des saisons, subsistant grâce à un régime essentiellement composé de beurre, de viande et de lait. Les hivers étaient d’un froid mordant. C’était un environnement extrêmement naturel et isolé, et la population qui y vivait avait une très grande ferveur pour le bouddhisme.
Comme il est courant au Tibet, le jeune enfant entra tôt au monastère. Avant sa conception, ses parents avaient consulté Thogden Amdo Paldèn Rinpoché du monastère de Karlek, pour requérir des prières dans l’espoir d’une nouvelle grossesse. En raison de cette connexion, Paldèn Rinpoché prit la responsabilité d’éduquer l’enfant. Celui-ci s’investit intensément dans l’étude des enseignements bouddhistes et fut reconnu comme la réincarnation d’un maître, sans qu’on puisse préciser de qui il s’agissait.
En 1992, Apo Gaga alors âgé de 7 ans, quitta le monastère de Karlek pour rendre visite à sa famille, le temps de quelques jours de vacances. À son arrivée, il leur demanda de déplacer leur tente vers les pâturages d’été, bien qu’il restait un mois avant le changement de saison. Il annonça, à la surprise de tous, la visite de moines en voyage. Installant quelques affaires sur le dos de sa chèvre favorite, il dit : « Je suis maintenant prêt à partir vers mon monastère. Ce serait une bonne idée d’y emmener quelques cadeaux du monastère de Karlek ». En effet, l’équipe de recherche découvrit l’enfant à Bakor, dont le nom porte le signe de la vache, tel que décrit dans la lettre.
Après s’être assuré que la vie du jeune nomade correspondait bien aux détails de la lettre de prédiction du Seizième Karmapa, Lama Domo, le responsable de l’équipe de recherche, fournit au père une copie de celle-ci. Döndrub découvrit alors l’identité de son fils. Après de joyeuses célébrations en famille, les émissaires monastiques accompagnèrent l’enfant au monastère de Karlek où étaient attendus Akong Tulkou Rinpoché et Shérab Tarchin, les représentants respectifs de Tai Situ Rinpoché et de Gyalsap Rinpoché. L’on vit alors, dans l’immensité du ciel bleu, trois petits soleils alignés. Un arc en ciel surplombait le soleil du milieu, s’étalant et se fondant dans les deux autres. Cet événement fut rapporté par de nombreuses personnes à travers l’Est du Tibet.