Interrègne, la transition entre le Seizième Karmapa et le Dix-septième Gyalwang Karmapa (1981-1992)
En mai 1980, Sa Sainteté le Seizième Karmapa entama son dernier itinéraire mondial, voyageant en Grèce, en Angleterre, aux Etats-Unis, ainsi que dans le sud-est de l’Asie. Durant cette tournée, Sa Sainteté donna des enseignements, dispensa la cérémonie de la Coiffe Noire, conféra des initiations, des interviews, des audiences et s’impliqua dans de nombreuses activités bénéfiques.
Le 5 novembre 1981, Sa Sainteté s’éteignit à la clinique internationale Américaine, située à Zion, non loin de Chicago dans l’Illinois, aux États-Unis. Le Kudung (le corps) de Sa Sainteté fut rapatrié en Inde. La cérémonie de crémation se déroula au monastère de Rumtek, le 20 décembre 1981. À cette occasion, de nombreux dignitaires indiens, ainsi que plusieurs milliers de ses disciples venus du monde entier assistèrent à la cérémonie.
La continuité de la lignée après le trépas du Seizième Karmapa
Après le trépas du Seizième Karmapa, la responsabilité incomba à ses disciples de poursuivre ses aspirations, continuer ses activités, retrouver et introniser le Dix-septième Karmapa.
On mit un soin particulier à assurer cette transition en raison des prédictions du Cinquième Karmapa, Déshin Shekpa (1384-1415), qui avait prédit que des troubles surviendraient au sein de la lignée des Karmapas, « Après le Seizième du Rosaire de la Lignée des Karmapas [et] avant le Dix-septième ». Toute l’administration était gérée depuis un siège en exil, loin du siège traditionnel de Tsourpou au Tibet.
Le Labrang de Tsourpou
Le Seizième Karmapa fut assisté par le Secrétaire Général Dhamchoe Yongdu et par ses disciples, formant ainsi le labrang. Mr Dhamchoe Yongdu fut le Secrétaire Général du Karmapa durant presque 34 ans, le servant à la fois au Tibet et en Inde.
Un labrang est une institution tibétaine que l’on retrouve dans presque toutes les lignées de tulkous (lamas réincarnés). Le labrang est un corps administratif dont le rôle est de soutenir le Karmapa dans les affaires spirituelles et mondaines. Il se poursuit de génération en génération, comme le ferait une institution corporative en Occident.
Jusqu’à ce jour, Dix-sept Karmapas se sont succédés. Ces derniers ont tous été assistés par le labrang, dirigé par un Secrétaire Général et désigné par le Karmapa lui-même.
Après le trépas du Seizième Karmapa, il incomba donc au Secrétaire Général Dhamchoe Yongdu et au labrang de poursuivre les activités et les institutions établies durant l’existence du Seizième Karmapa. Au cours des siècles, le labrang a traditionnellement œuvré de cette façon, assurant une transition aisée d’un Karmapa au suivant.
Le Rosaire d’Or de la Lignée Kagyu
La responsabilité de transmettre la lignée spirituelle des Karmapas au prochain Tulkou est accomplie par l’un des disciples du Karmapa. C’est le Premier Karmapa, Dousoum Khyènpa, qui introduisit cette tradition, donnant des instructions à un de ses disciples pour retrouver le prochain Karmapa. Dousoum Khyènpa laissa une lettre à Drogoeun Réchèn, détaillant les circonstances de sa prochaine renaissance.
Par ailleurs, la transmission de la lignée s’est transmise au fil des siècles de maître à disciple, par un système dit de « bouche à oreille ». Cet ensemble de personnalités ayant endossé la responsabilité première de transmettre la lignée du Karmapa d’une personne à une autre, ceci incluant les Karmapas eux-mêmes, est nommé le Rosaire d’or de la Lignée Kagyu. Par exemple, Second Karmapa, Karma Pakshi, reçut la transmission complète de la lignée de Pomdrakpa, qui l’avait reçu de Drogoeun Réchèn, qui l’avait lui-même reçu du Premier Karmapa. C’est au travers de la transmission que la lignée des Karmapas s’est transmise à tous les Karmapas successifs au travers des siècles.
Identifier le nouveau Karmapa
Afin d’assurer la continuité de la lignée Kagyu, il faut tout d’abord identifier la nouvelle incarnation du Karmapa. Parmi toutes les lignées de lamas réincarnés du Tibet, seul le Karmapa laisse à un disciple la façon de localiser sa réincarnation. Dans presque tous les cas, les instructions sont transmises sous forme de lettre, comme l’avait fait le premier Karmapa, avec les détails concernant les circonstances de la naissance. Cette lettre de prédiction est la clé pour l’identification du prochain Karmapa. On dit donc que le Karmapa « se reconnaît de lui-même » au travers des activités de sa précédente incarnation. Ainsi, les successeurs du Karmapa doivent rechercher la nouvelle incarnation selon les prédictions du précédent Karmapa, et, une fois trouvée, ils doivent l’introniser dans les meilleures circonstances qui soient.
Depuis le trépas du Premier Karmapa en 1193, plusieurs maîtres remarquables ont transmis la lignée aux Karmapas successifs. Depuis la fin du 18ème siècle, les détenteurs du Rosaire d’or de la Lignée Kagyu incluent soit l’une des émanations de Taï Sitoupa, soit l’une de Jamgon Kongtrul Rinpoché. Avant cette date, le Rosaire d’Or comprenait les incarnations de Shamar Rinpoché et les émanations de Goshir Gyaltsab Rinpoché, ainsi que de nombreux autres grands yogis.
L’établissement d’un conseil des quatre régents en 1981
Le jour qui suivi la cérémonie de crémation, une réunion générale Karma Kagyu fut organisée à Rumtek à la demande de Mr. Dhamchoe Yongdu, le Secrétaire Général du 16ème Karmapa et responsable du Labrang. Il demanda aux quatre fils de coeur de Sa Sainteté- Shamar Rinpoché, Tai Sitou Rinpoché, Jamgon Kongtrul Rinpoché, et Goshir Gyaltsab Rinpoché- de former un conseil de régents pour prendre la responsabilité commune des affaires spirituelles de la lignée Karma Kagyu. Il leur demanda également de localiser les instructions du Karmapa concernant sa prochaine renaissance, et de retrouver sa prochaine incarnation. Les quatre Rinpochés acceptèrent cette tâche en exprimant leur profond désir d’accomplir les souhaits du Seizième Karmapa.
Les quatre Rinpochés furent officiellement désignés sous le nom des « Quatre Régents ». Chacun à leur tour occupa la place de régent de Sa Sainteté, durant une période de trois ans, prenant ainsi la responsabilité de préserver les activités du Karmapa. A la fin de chaque terme, le détenteur en exercice céda sa place au suivant. Le nectar de Dharma, la publication officielle du Bureau du Siège International de Sa Sainteté à Rumtek fait état de ce traité, acceptés par tous les détenteurs du siège.
Bien que le Labrang et le pôle administratif de chaque régent soient traditionnellement distincts, le Labrang du Karmapa soutint également les régents dans leurs recherches pour retrouver Sa Sainteté, tout en poursuivant les devoirs spirituels du Karmapa durant la période de transition.
Dans l’attente du Karmapa
Après que le conseil des régents fut établi, le Secrétaire Général de Sa Sainteté endossa la responsabilité principale de préserver les reliques sacrées du Seixième Karmapa. Il supervisa la construction du nouveau « Thong-Drol Lha-Khang, » d’un « Lha-Bab Chorten » et d’un « Jangchub Chorten d’or », ceci afin de préserver les précieuses reliques de Sa Sainteté. Le 11 décembre 1982, après 34 ans de service auprès de Sa Sainteté, le Secrétaire Général M. Dhamchoe Yongdu décéda de façon inattendue, peu de temps après l’inauguration des précieuses reliques au temple de Rumtek.
Après le trépas du Seizième Karmapa, Topga Yulgyal prit la fonction de Secrétaire Général durant le terme des trois années de Shamar Rinpoché en tant que régent temporaire. Tenzin Namgyal continua son rôle comme Secrétaire Général Adjoint. Après que Shamar Rinpoché faillit à maintenir sa position en accord avec le traité de 1981, Topga Yulgyal continua à exercer le poste de Secrétaire Général jusqu’à sa démission en 1992, réclamée par la décision de l’Assemblée Internationale Kagyu lors d’une réunion tenue au Centre de Dharma Chakra, du 30 novembre 1992 au 3 décembre 1992. Mr. Tenzin Namgyal le succéda et assuma la position de Secrétaire Général.
Lors de la période de transition entre le Seizième et le Dix-septièmee Karmapa, de nombreux disciples dévoués du Karmapa accomplirent ses souhaits et veillèrent à ce que les projets qu’il avait entrepris soient achevés. Les trois souhaits du Karmapa dont l’établissement de l’Institut Nalanda, comme l’une des meilleures universités monastiques, l’impression de 500 copies des 215 volumes du Tengyur, et la construction du Centre Karma Dharma Chakra à Delhi, furent accomplis. La première promotion de l’Institut Nalanda fut célébrée en 1990. Les volumes du Tengyur furent distribués gratuitement ou vendus à un prix abordables aux monastères du monde entier, et la construction du Centre Karma Dharma Chakra à New Delhi fut achevée.
Durant cette période, tous les disciples du Karmapa étaient préoccupés par la découverte de son incarnation, et l’intronisation du Dix-septième Karmapa. Les instructions du Seizième Karmapa furent finalement découvertes le 19 mars 1992. A cette fin, une recherche officielle fut alors mise en place depuis le monastère de Tsourpou pour localiser la réincarnation du Karmapa. En Mai 1992, Sa Sainteté le Dix-septième Karmapa fut découvert dans l’Est du Tibet.