Karmapa confère une initiation de longue vie à New York
28 janvier 2018 - Queens College, Flushing, New York
Pour ce premier événement public depuis quelques mois, le Karmapa confère une initiation de longue vie, à l’invitation des communautés tibétaines et himalayennes de New York et du New Jersey. C’est à une foule joyeuse de plus de 2000 personnes qu’il donne une initiation composée par le grand siddha Thangtong Gyalpo, qui a vécu quelque 120 ans. Il eut une vie riche : il composa des textes, construisit ses fameux ponts suspendus, fut à l’origine de l’opéra tibétain (lha mo) et fonda la lignée Shangpa Kagyu grâce aux instructions de la célèbre enseignante Nigouma.
Pendant toute la cérémonie, une très belle statue de jade de Thangtong Gyalpo est posée à côté du texte du Karmapa sur une table haute devant son trône. Derrière lui, on peut voir une grande photo, entourée de brocart, de la statue du Bouddha qui se trouve à l’intérieur du temple de Mahabodhi à Bodh Gaya, où le Karmapa s’est souvent recueilli.
Les organisateurs, conduits par Norbou Tséring, président de la communauté tibétaine de New York et du New Jersey, expriment leurs remerciements à Sa Sainteté, puis celui-ci commence l’initiation, lisant le texte tout en accomplissant le rituel. Le texte précise que le but de cette initiation est d’amener un nombre infini d’êtres au niveau de réalisation d’Amitayus, et il est aussi expliqué que Thangtong Gyalpo a été béni tout particulièrement par Gourou Rimpoché.
Après les préliminaires, le Karmapa marque une pause pour donner un court enseignement. Tout d’abord, il souhaite la bienvenue à tout le monde et explique que, comme il est aux États-Unis depuis quelque temps, il a eu l’occasion de nouer des liens du dharma avec les gens localement, ce qui a suscité une requête pour cette initiation. Évoquant la nouvelle année, il remarque que, selon le calendrier occidental, nous sommes maintenant en l’année 2018, pourtant du point de vue tibétain, la nouvelle année n’est pas encore là. Il continue : « La raison spécifique pour laquelle on donne une initiation de longue vie à la nouvelle année, et aussi en général, est pour que votre vie ait du sens et que vous puissiez réaliser la signification essentielle de votre précieuse existence humaine. C’est également pour votre longévité et votre bonne santé. »
Après l’initiation, le Karmapa donne un bref enseignement sur l’impermanence.
« Dans la tradition bouddhiste, la venue de la nouvelle année est un signe de l’impermanence - le fait que rien ne demeure identique, mais tout passe et change. Aussi, quand arrive la nouvelle année, c’est un rappel de l’impermanence et aussi une occasion de changer. Quoi qu’il soit arrivé dans le passé, nul n’est besoin d’y rester bloqué. On peut toujours faire un pas en avant et retrouver espoir et courage. »
Le Karmapa continue ainsi : « Nous pouvons saisir l’opportunité qui nous est offerte par la nouvelle année pour comprendre que le temps et les circonstances ne demeurent pas tels quels mais qu’ils bougent - ce qui signifie que peu importe le moment et où nous nous trouvons, nous avons toujours une seconde chance. Et nous devrions tirer parti de cette nouvelle ouverture pour amener un changement positif en nous. Ce sera bénéfique à notre pratique du dharma et aussi à notre façon de vivre.
Nous avons parfois l’espoir que le simple passage du temps induira des changements positifs, aussi restons-nous à attendre. Mais le temps lui-même change d’instant en instant ; il en est de même des choses et de notre corps. Nous ne pouvons rester passif dans l’attente que le temps changera notre vie. Il nous faut regarder à l’intérieur de nous-même et trouver quels changements nous voulons voir s’opérer. Et puis, c’est nous-même qui devons susciter ces changements et prendre la responsabilité de nous transformer. Que devons-nous changer principalement ? Notre façon de penser et notre motivation. Si nous modifions ces deux choses, c’est une grand changement que nous introduirons alors dans notre vie. »
Après son enseignement traduit en anglais, le Karmapa s’adresse aux Tibétains sur un ton plus léger : « Je veux dire quelques mots. Quand nous autres Tibétains disons ‘quelques mots’, nous finissons par parler très longtemps, voire des heures. » Le Karmapa parle ensuite en tibétain pendant une quarantaine de minutes. Il commence par adresser à tous ses bons vœux pour la nouvelle année tibétaine, avec le souhait que tous leurs vœux se réalisent, et qu’ils trouvent un sens profond et renouvelé à leur vie. Il rappelle aux Tibétains quelle est leur chance d’avoir comme chef Sa Sainteté le Dalaï-Lama. Dans le monde, il y a beaucoup de réfugiés autres que les Tibétains, et certains sont très pauvres, mais aucun autre groupe n’a la bonne fortune d’avoir un guide tel que le Dalaï-Lama ; ceci devrait donner aux Tibétains courage et bonheur. Une société se compose de nombreux individus, et chacun a ses propres opinions et préférences, aussi a-t-on besoin d’un leader universel comme lui, qui peut rassembler tout le monde.
Le Karmapa souligne que, pour ces raisons, il est important de suivre soigneusement les instructions du Dalaï-Lama, car les élèves, comme le maître, doivent être excellents. Il en est de même pour les lamas et leurs disciples : si seul le maître est excellent - et pas les étudiants -, les choses n’iront pas bien. Il donne l’exemple du vase et de l’eau qu’on y verse : les deux doivent être propres.
Le Karmapa remarque aussi que les gens placent leur espoir et leur confiance en le Dalaï-Lama, et pourtant il est très important qu’ils assument aussi la responsabilité de suivre ses conseils. Le Dalaï-Lama a maintenant un âge avancé et, en reconnaissant combien il est précieux, les Tibétains devraient agir de telle sorte qu’il soit heureux, tranquille, et qu’il ne soit pas dérangé par ce qui arrive parmi eux.
Pour terminer, le Karmapa aborde la question de l’unité du Tibet ; il explique que les Tibétains doivent dépasser leur conditionnement qui les pousse à voir leur propre région comme une zone spéciale et séparée ; ils doivent penser au Tibet comme à un pays un et non divisé. Le Karmapa évoque Jamgœn Kongtrul Lodreu Thayé, l’un des chefs du mouvement non-sectaire dans le Tibet du début du 19e siècle. Non seulement Jamgœn Kongtrul a encouragé la tolérance religieuse, mais il envisageait aussi le Tibet comme un tout, ce qui était peu commun à l’époque, où existaient de nombreux petits royaumes avec des allégeances différentes. Lodreu Thayé a écrit une très belle prière intitulée ‘Souhait pour le bien-être du Tibet’, qui est inspirée par sa vision d’un Tibet uni. Nous, les Tibétains d’aujourd’hui, devrions en prendre de la graine.
Le Karmapa termine la pratique de conclusion de l’initiation pendant que l’assemblée chante le mantra de la compassion ‘Om Mani Padmé Houng’. Puis, il descend de son trône et s’arrête au milieu de l’estrade pour saluer un groupe de personnes, ravies de le voir à nouveau.