Le Soliloque de Guéshé Potowa (4e session)
16 février 2017 - Pavillon du Meunlam, Bodhgaya
Aujourd’hui, Sa Sainteté examine la partie du Long Soliloque de Guéshé Potowa dont le point principal est la pratique de la vertu dans les monastères. Il encourage tout le monde à cultiver l’enthousiasme et la bodhicitta - dont l’essence est l’union de la vacuité et de la compassion - qui guideront nos efforts afin d’aider les autres. Après une courte introduction, il conclut par une session de méditation. Bien qu’il ait terminé l’enseignement du Meunlam pour cette année, il n’en a pas fini avec le contenu du texte et annonce que l’enseignement sur ce texte se poursuivra sur un ou deux Meunlams.
Le Karmapa lit les récits que fait Guéshé Potowa de ses visites de monastères. Quand il s’enquiert des bonnes personnes, on lui dit souvent que ces bonnes personnes, qui sont la force vitale du monastère, sont les riches, ceux qui ont beaucoup d’or, de turquoise et de bétail. Le fait d’assimiler la richesse à la vertu montre bien qu’ils ne se soucient que des affaires de ce monde. « Vous devriez fuir cet endroit, tout comme les oiseaux fuient un lac gelé », les incite Guéshé Potowa.
Le texte se poursuit avec un enseignement qui souligne qu’il ne faut pas attendre d’être payé en retour quand on a aidé autrui :
« Ceux qui aspirent à la pratique ne doivent rien donner à d’autres pratiquants, avec l’attente d’un retour dans cette vie, même s’il s’agit de simple nourriture. Si quelqu’un vous en donne, ne la mangez pas. Sinon, cela finira par devenir un échange de nourriture et pourrait vous faire perdre de vue le Dharma.»
Le Karmapa explique qu’on ne devrait même pas attendre de gratitude. La meilleure façon d’aider les gens est de le faire à leur insu car, s’ils le savent, ils auront l’impression d’avoir une dette. De même, nous risquons d’attendre une réaction positive de leur part. Ces deux réactions peuvent devenir une source de conflit.
Puis Sa Sainteté parle du fait d’amasser des richesses pour la vieillesse. Bien qu’il soit compréhensible de s’inquiéter de la vieillesse, cela indique aussi qu’on n’a pas de certitude dans le dharma. Nous devons considérer le dharma comme une assurance. Quand la foi dans le dharma est établie, il n’est point de peur de la vieillesse.
Le texte met l’accent sur la sangha ordonnée :
« Certains prétendent ne pas pouvoir pratiquer par manque de moyens mais trouvent les moyens pour accomplir des actes négatifs qu’ils accomplissent naturellement.
Il semble que c’est parce que les riches vénérables des monastères n’ont jamais réfléchi à la mort et aux souffrances du samsara. »
Et Potowa poursuit ses critiques : « Ils abandonnent une petite maison pour s’attacher à une plus grande. Leur occupation est le Dharma soit, mais leur saisie égocentrique est encore plus forte que celle d’un laïque. »
Sa Sainteté explique ces lignes en disant que quitter la vie de famille signifie s’affranchir du samsara. Cela veut dire chercher la liberté. Le Karmapa exhorte son auditoire : « Pour pratiquer le dharma, il nous faut de la ferveur, de l’enthousiasme, de la puissance ou force d’esprit. Nous devons vraiment croire en ce que nous faisons. Notre enthousiasme et notre force d’âme devraient être plus grands que chez n’importe qui. » Il illustre ceci avec l’exemple toujours marquant de la persévérance de Milarépa.
Sa Sainteté poursuit : « Leur dharma et leur pratique sont en complète opposition. Ils disent qu’ils n’accordent aucune importance à la richesse et aux biens, mais eux-mêmes choisissent la richesse comme divinité de yidam. »
Le Karmapa donne un exemple intéressant qui décrit les méthodes de publicité modernes utilisées par certains lamas à l’étranger. ‘Si vous êtes inquiet pour vos examens universitaires, venez recevoir cette initiation de Manjoushri’, disent certains slogans. Ou :’Si vous avez des difficultés financières, prenez cette initiation de Dzambala et vous serez riche et prospère!’
D’un autre côté, compatissant avec les difficultés que les lamas rencontrent à l’étranger, il raconte l’histoire d’un tulkou lors de son premier voyage en Amérique. On avait organisé une initiation dans une salle de cinéma mais personne n’est venu. Pour que ce soit de bon augure, il fallait qu’au moins une personne reçoive l’initiation ; quelqu’un a alors suggéré d’appeler le garde de sécurité. On lui a expliqué les bienfaits qu’il y avait à recevoir l’initiation et il a accepté. En discutant avec lui par la suite, il s’avéra qu’il était musulman.
Dans ce contexte, Sa Sainteté rappelle les paroles profondes du grand Mahasiddha Droukpa Kagyu, Lorépa : « Si vous rassemblez des foules par milliers, voire par dizaines de milliers, le bienfait pour les autres n’augmente pas. Si vous avez seulement une personne, il ne diminue pas. » Sa Sainteté explique que, quand nous méditons sur la bodhicitta - qui est en essence vacuité et compassion - il est acceptable d’être bénéfique à seulement une personne. Cependant, si nous n’avons pas la bodhicitta, même si nous avons des foules de milliers de gens, nous ne serons bénéfique à personne.
A la fin de la session, le Karmapa donne des instructions de méditation :
« Ne suivez pas les traces du passé, n’anticipez pas le futur. Pensez à la situation présente. Attrapez-la avec l’attention et détendez-vous. »
Puis il expose l’essence de la méditation sur le souffle. Prenant le souffle pour acquis, nous négligeons le fait que, si nous arrêtons de respirer, nous mourons. Les plantes produisent l’oxygène, elles nous donnent ces richesses qui nous permettent de respirer. S’en souvenir nous procure un sentiment de contentement.
Comme le son du bol chantant a une qualité fluctuante, le Karmapa compare la méditation sur le son à l’impermanence. Être conscient de cette dernière ne veut pas dire avoir peur de la mort, mais percevoir que c’est l’occasion de changer les choses, en vertu de leur nature impermanente. L’impermanence nous donne une chance de modifier notre façon de penser. C’est elle qui permet à une flute de produire une belle musique ; la permanence, au contraire, signifierait qu’elle ne donnerait qu’une seule note.
Sa Sainteté tire des sons apaisants mais puissants du bol chantant et conduit tout le monde en méditation. Les ondes de son emplissent l’espace et il conduit les méditants à un état d’ouverture, peut-être pour nous montrer que méditer sur le souffle, c’est s’harmoniser avec le son de l’univers.