Le Soliloque de Guéshé Potowa (1ère session)
13 février 2017 - Pavillon du Meunlam, Bodhgaya
La deuxième session du premier jour du 34e Kagyu Meunlam commence avec l’offrande du mandala en 37 points, pour laquelle s’est formée une longue file de pratiquants, leurs vêtements blancs mis en valeur par les soies de cinq couleurs des offrandes qu’ils apportent. Ils passent un à un devant le siège du Gyalwang Karmapa - la récitation de la Prière à la lignée du Vœu de bodhisattva faisant suite à l’offrande du mandala - et reviennent radieux, tenant le ruban rouge reçu des mains de sa Sainteté.
Le Karmapa reprend son enseignement sur le Long Soliloque du grand Maître Kadampa Potowa là où il s’était arrêté l’an dernier.
Le texte de Guéshé Potowa cite le grand maître indien, le Seigneur Atisha, et le Karmapa explique qu’Atisha Dipamkara a condensé le sens des textes sacrés en distinguant trois types d’individus : supérieur, moyen et inférieur. Cette distinction correspond au niveau du dharma que ces individus sont capables de pratiquer.
Le pratiquant de niveau inférieur est celui qui pratique par peur de tomber dans les mondes inférieurs dans sa prochaine existence. Sa Sainteté fait ce commentaire : « De nos jours, beaucoup de gens n’en arrivent même pas là. Pour avoir peur de la souffrance des mondes inférieurs, encore faut-il s’en souvenir, sinon on ne détourne pas son esprit de cette vie. Il est aussi nécessaire de croire profondément en la loi karmique des causes et des conséquences, d’avoir une compréhension de comment nos actes conditionnent la renaissance dans les mondes inférieurs. »
Mais peu de gens comprennent vraiment le fonctionnement du karma, et même si c’est le cas, ils sont incapables d’abandonner les actes négatifs et de s’engager dans dans des actes vertueux, observe le Karmapa. On dit que ces personnes n’ont pas fait les accumulations. Il ajoute que, de plus, à l’heure actuelle certains pratiquants vont voir un maître et font la requête du refuge et du vœu de bodhisattva, mais s’ils n’obtiennent pas ce qu’ils espéraient, ils ont peur de reconnaître leur maître. Si l’on insiste, ils disent qu’ils ont seulement pris le refuge et la bodhicitta. Le Karmapa relie ceci aux paroles de Maître Potowa quand il écrit : « C’est ne pas comprendre que le refuge et la bodhicitta sont les racines de tout le Dharma, et c’est donc une faute extrêmement grave. J’ai trouvé des qualités dans chaque parole prononcée par ceux de qui j’ai reçu le dharma. La seule pensée qui me soit venue est que je ne pourrais jamais l’acheter pour de l’argent. »
Parlant de la remarque ‘seulement le refuge et la bodhicitta’, le Karmapa répète que c’est une chose vraiment terrible et pitoyable à dire ; cela équivaudrait à présenter le refuge et la bodhicitta comme n’étant pas le dharma.
Le Karmapa poursuit son analyse de la relation entre étudiant et gourou avec l’exemple de ces gens qui font la requête d’enseignements du dharma auprès d’un maître, mais ils lui demandent aussi de n’en parler à personne. Le Karmapa explique que c’est le signe d’une connexion difficile entre étudiant et gourou en cette époque dégénérée, ce qui mérite compassion et pitié.
Le Karmapa rappelle à l’assemblée du Meunlam : « Si nous pratiquons le dharma comme il est enseigné, le plus important est le gourou, le maître spirituel. Par exemple, quand on cherche une jeune fille à épouser, on examine d’abord ses parents et ses antécédents pour savoir qui elle est. Ou bien quand on achète un cheval, on examine sa bouche, ses dents avant et arrière. C’est d’autant plus vrai quand il s’agit du gourou, en qui nous plaçons notre confiance comme protecteur, gardien, chef de famille, pas seulement pour cette vie mais pour toutes nos vies jusqu’à l’éveil. Le gourou est tellement important qu’il nous faut examiner s’il est vraiment un grand être qui a toutes les qualifications ; alors seulement nous lui demandons d’être notre maître spirituel. »
« Mais de nos jours, ce n’est pas ce que nous faisons. Nous trouvons un lama qui est très médiatisé, que tout le monde peut voir et à l’heure actuelle, certains d’entre eux trompent leurs étudiants. C’est une faute chez le gourou mais également chez les étudiants, en cela qu’ils ont une foi défectueuse. Le Karmapa insiste sur le fait que nous ne devons pas avoir une foi aveugle : si nous examinons les qualités du gourou -du corps, de la parole et de l’esprit - et que nous avons confiance en elles, nous développons une foi que personne d’autre ne pourra bloquer ou arrêter. Avant cela, si nous disons que nous faisons une méditation sur la dévotion ou sur le gourou, c’est une affirmation erronée. Mais le Karmapa reconnait aussi que, bien que nous cherchions un grand être, il est difficile de trouver quelqu’un qui ait une telle compassion. Si nous voulons réaliser le gourou, nous devons faire des offrandes au gourou, faire des ‘pujas’ pour le gourou. Le mot ‘puja’ veut dire ‘contenter’, et ce qui contente le gourou est la pratique des trois vœux et des trois entrainements. Dans la tradition du Mantra secret, ceci inclut imaginer le gourou comme la divinité principale.
Le Karmapa met aussi en garde ; de nos jours, on fabrique beaucoup, par exemple de nouveaux mantras tel que ‘Om Vajra Guru (nom du gourou) Ah Hung’. Selon le Karmapa, ceci est vraiment le signe d’un mauvais gourou. Ce qu’un gourou doit réellement enseigner, c’est la pratique des trois vœux et des trois entrainements qui sont des pratiques pour dompter l’esprit des étudiants. Un gourou qui n’enseignerait qu’à visualiser le gourou sous la forme d’une divinité et n’instruirait pas les étudiants à l’entrainement de l’esprit serait un imposteur.
Le Karmapa conclut ce premier jour d’enseignement en rappelant aux pratiquants que, comme l’a écrit Maître Potowa, simplement connaître le dharma n’est d’aucune aide ; pour pratiquer correctement, il ne suffit pas de réciter des mots, nous devons incorporer le dharma dans notre être, faire que notre courant de conscience entre en connexion avec le dharma. Le Karmapa incite tous les participants - durant la récitation des souhaits et des prières de dédicace - à avoir une foi puissante en les Trois Joyaux et un souhait fort pour que les aspirations se réalisent, et à voir les bienfaiteurs dont les noms sont lus dans la dédicace pour les vivants et les morts comme représentant tous les êtres sensibles.