La nuit de Mahakala
24/25 février 2017
La session de nuit de la puja de Mahakala commence à 11h du soir. Le pavillon est recouvert de tentures d’un bleu sombre, ornées d’une imagerie dorée et flamboyante qui suggère la sagesse lumineuse qui flamboie dans la vacuité. L’atmosphère sombre de l’intérieur se mélange à la tranquillité de la nuit à l’extérieur.
Avec les 5000 moines et nonnes à leurs places habituelles, environ 300 pratiquants laïques déterminés sont restés pour pratiquer toute la nuit. Le texte du rituel de cette nuit s’appelle ‘Incinérer l’hostile abrégé’ (dang ba rnam sreg las btus pa), aussi connu comme ‘ Le Doré’. Plutôt que de porter au sommeil, une telle nuit évoque la lucidité et la vigilance grâce aux sons puissants des chants et des tambours.
Au-dessous de la statue principale du Bouddha Shakyamouni, les statues de Mahakala, Mahakali et Dorjé Lèkpa sont gardées par une armure noire impressionnante, flanquée d’armes dorées, placée stratégiquement comme pour repousser tout drame humain. La scène rappelle la légende du grand protecteur Mahakala. L’histoire dit que son nom était Gelong Déway Khorlo (Bhikshu Roue de la joie) et qu’il appartenait à l’entourage d’un précédent Bouddha du nom de Sangyé Tsuktorchan (Bouddha avec ushnisha). Ayant développé des savoirs spéciaux et la capacité d’accomplir des miracles, le fier bhikshu fit une compétition avec le bouddha et, naturellement, il perdit. Cela lui causa une grande déception ; le dieu Shiva lui apparut alors et lui dit : « Si tu pries pour renaître comme mon fils, je te donnerai le pouvoir sur les trois mondes. » Poussé par son désir de victoire, il pria Shiva d’accomplir la prophétie. Le Bouddha en eut connaissance et lui dit : « A part un certain bonheur temporaire, naître comme le fils de Shiva a peu d’avantage. » Quand le bhikshu confessa ses fautes, le Bouddha transforma la prophétie de pouvoir en celle d’éveil : le bhikshu Roue de la joie renaîtra bien comme fils de Shiva mais il génèrera la résolution d’être pleinement éveillé afin de faire le bien des autres, et il obtiendra finalement l’éveil en tant que Bouddha Tèlway Wangpo. Comme l’avait prédit le Bouddha, un fils à la peau très sombre et à l’apparence effrayante naquit à Shiva et Umadevi. Il possédait de grands pouvoirs et on lui donna le nom de Mahakala, le Grand Noir.
Les puissants sons des tambours dans le Pavillon traduisent un sentiment de détermination qui rappelle une autre nuit à nulle autre pareille dans la détermination, ici même à Bodhgaya. C’st la nuit qui a dissipé les ténèbres de l’ignorance quand Siddharta Gautama s’est assis sous un arbre et a fait le serment : « Même si ma peau, mes nerfs et mes os dépérissent et que mon sang vital s’assèche, je ne quitterai pas ce siège avant d’avoir atteint la sagesse la plus haute qu’on appelle l’éveil suprême, qui conduit au bonheur éternel. »
D’abord, le dieu Mara envoya des hordes de tentations mais Gautama ne bougea pas ; suite à la défaite de Mara, des souvenirs de toutes ses vies antérieures l’assaillirent dans la première partie de la nuit mais, dans la seconde, vint la réalisation de la vérité. Il était l’Éveillé.
Mahakala, qui avait alors parcouru les trois mondes, vint à Bodhgaya après l’éveil du Bouddha et prit l’engagement de protéger les enseignements du Bouddha, devenant ainsi un puissant protecteur pour ceux qui suivent le chemin vers l’éveil.
La puja se poursuit dans le Pavillon toute la nuit et les pratiquants chantent et méditent, enveloppés de vestes et de couvertures. Avant l’arrivée du soleil du matin qui amène la chaleur des bénédictions et la présence forte et familière du 17e Karmapa, Orgyèn Trinlé Dorjé, ceux qui aspirent au bien des autres demeurent en méditation, et se réjouissent dans cette mer d’obscurité et de joie qu’offrent les pratiques du grand protecteur Mahakala.