Nous ne savons pas quand nous devrons mourir, donc pratiquons maintenant
J4 : enseignement sur les 100 courtes instructions.
Monastère Tergar, Bodhgaya – 2 décembre 2014
Gyalwang Karmapa reprend le passage du texte sur l’impermanence et la mort, la deuxième méditation des 4 pratiques préliminaires communes.
La mort est inévitable, aussi riche ou puissant que nous puissions être nous ne pourrons pas y échapper. La vie est courte, nous ne savons pas quand viendra pour nous le moment de la mort. Nous ne pouvons faire confiance qu’au Dharma
Le texte continue et décrit plusieurs méditations sur la mort et l’impermanence et donne des exemples tirés de différents textes bouddhistes et de namthar pour renforcer cette vue. La vie est semblable à un marché hebdomadaire où les gens se rencontrent, mais le lendemain il n’y a plus personne. Seul le Dharma nous accompagnera jusqu’à la mort. Nous devons donc de façon urgente, prier le Guru, être diligent dans nos pratiques et dédier nos vies à la vertu.
Une anecdote de la vie du maître et méditant kadampa du 11° siècle, Kharak Gomchung donne un bon exemple de l’attitude que tout pratiquant devrait adopter. Il avait donné de nombreux enseignements sur la façon de dépasser les préoccupations mondaines, il était renommé pour avoir lui-même renoncé à tout.
Un jour un marchand de thé s’est approché de la grotte de Kharakpa et a laissé en offrande un paquet de thé. Trois années plus tard, le marchand est revenu pour faire une nouvelle offrande, mais il a trouvé le premier paquet non entamé et couvert de poussière. Très surpris, il a demandé à Kharakpa pourquoi il ne s’était pas servi du thé. Kharakpa a répondu : « Je ne savais pas si je devais faire bouillir le thé ou si le thé allait m’ébouillanter et je n’avais pas le temps. Reprend tes deux paquets et part. » Le marchand est donc reparti avec ses deux paquets de thé. C’est ainsi que Kharakpa sentait l’urgence de pratiquer.
Nous supplions le Guru de nous bénir pour nous libérer de l’attachement à cette vie, pour que nous ne manquions pas de temps pour pratiquer et que notre pratique soit utile. Nous devons nous donner des priorités justes et pratiquer le Dharma correctement, car nous pouvons mourir à chaque instant.
- Cette vie est aussi éphémère qu’une goutte de rosée posée sur la pointe d’un brin d’herbe…. Nous ne savons pas quand nous allons mourir, nous sommes en danger de mourir cette nuit, nous ne devrions pas trop croire que nous serons encore en vie demain.
- Dans le Dharma, seuls l’amour-bienveillant, la compassion et la bodhicitta sont indéniablement le chemin qui mène au parfait état de Bouddha.
( extrait des 100 courtes instructions)
Gyalwang Karmapa a ensuite repris le texte et ses explications.
Il y a d’abord des méditations tirées des sutras, d’autres enseignées par les grands maîtres indiens du passé comme Nagarjuna et Shantideva, puis des exemples à partir des vies de grands maîtres tibétains.
Dans sa Lettre à un Ami, Nagarjuna dit qu’il est étonnant que la mort ne survienne pas entre une inspiration et une expiration. Karmapa développe ce point. Lorsque nous arrêtons de respirer, nous mourrons. Débranchez l’appareil d’assistance respiratoire d’une personne et elle meure. Nous considérons que la respiration nous est garantie. Nous inspirons et nous expirons jour après jour et année après année en oubliant combien il est étonnant de respirer. Une seule respiration nécessite plusieurs étapes et dépend de nombreux facteurs, comme l’oxygène dont nous avons besoin et qui nous est fourni par les plantes. Si nous devions acheter l’air que nous respirons, nous ne pourrions pas nous l’offrir. Nous pensons peut-être que nous ne sommes pas riches, mais si nous observons avec soin, le fait de respirer est à lui seul une grande fortune.
Dans le Collier des Joyaux, Nagarjuna écrit que les causes de la vie sont peu nombreuses alors que celles de la mort sont multiples. Même les causes de la vie peuvent devenir des causes de la mort. Nous devons donc pratiquer la vertu, car seul le Dharma nous aidera au moment de la mort.
Dans sa Marche vers l’Éveil, Shantideva écrit qu’au moment de notre mort nous devrons supporter les conséquences de notre karma. Nous ne pourrons pas les partager avec nos amis ou les membres de notre famille. Notre bonheur ne dépend que de nous, mais nous faisons la grande erreur d’oublier que le karma négatif que nous avons créé retombera sur nous. Vie après vie, notre karma nous a poussé vers la prison du samsara.
Puis Sa Sainteté a raconté l’une des histoires des maîtres tibétains.
Un jour, Geshe Tönpa a vu quelqu’un qui tournait autour d’un stupa.
« Que faites-vous ? » a-t-il demandé.
« Je pratique le Dharma » a répondu l’homme.
Geshe Tönpa a observé : « C’est bien de tourner autour du stupa, mais vous devriez pratiquer le véritable Dharma. »
L’homme a été très surpris, il a cessé de tourner et a réfléchi profondément à ce que pouvait être le véritable Dharma. Il a fini par décider que la véritable pratique devait être celle de la lecture des textes et il a commencé à lire.
Geshe Tönpa repassant par là, le voit lire et dit : « Lire les textes est très très bon, mais pratiquer le véritable Dharma c’est encore mieux. »
L’homme s’est à nouveau trouvé dans la confusion. Il a réfléchi et réfléchi encore, et il a conclu que pratiquer la méditation devait être le vrai Dharma. Il s’est donc assis dans la bonne posture et a commencé à méditer.
Geshe Tönpa est arrivé et en le voyant lui a demandé : « Que faites-vous ? »
« Je pratique le véritable Dharma » a répondu l’homme sûr de lui.
Geshe Tönpa lui dit : « La méditation c’est bien, mais c’est encore mieux de pratiquer le véritable Dharma. »
« Mais alors, c’est quoi le véritable Dharma ? » demande l’homme contrarié. « Circumambuler n’est pas le Dharma, lire les textes ce n’est pas le Dharma, méditer non plus ! »
Geshe Tönpa lui répond : « Le véritable Dharma, c’est renoncer à cette vie et la faire sortir de votre esprit »
Sa Sainteté explique qu’il faut à la fois un rejet et de la diligence. Si vous n’abandonnez pas l’attachement à cette vie, tout ce que vous ferez deviendra une préoccupation mondaine.
Il y a deux histoires sur Geshe Potawa, le principal disciple de Geshe Tönpa. Il enseignait le matin et le soir, après l’enseignement du soir, il disait à ses étudiants : « Si nous ne mourrons pas cette nuit, nous continuerons les enseignements demain, mais nous ne savons pas ce qui se passera cette nuit. » Geshe Potawa était si conscient de l’urgence de la pratique du Dharma qu’il avait refusé de faire réparé un pilier tordu de sa maison. : « Il n’est pas utile de changer ce pilier. Nous serons peut-être mort avant la fin de la réparation. »
Si nous désirons mourir sans regret, il faut pratiquer aujourd’hui, dès maintenant dit Karmapa à ceux qui l’écoutent. Kharak Gomchuk avait réalisé cela. Il n’avait pas le temps de faire du thé car il savait qu’il pouvait mourir à chaque instant.
Ces grands maîtres avaient réalisé l’impermanence et nous devons suivre leur exemple au lieu de donner la priorité à ce qui n’a pas d’importance. En comptant sur ses doigts, Karmapa énumère nos fausses perceptions de ce qui est important. Nous avons des habits, mais ce n’est pas suffisant, nous voulons les plus beaux vêtements. Nous avons à manger, mais ce n’est pas suffisant, nous voulons les mets les plus délicieux. Nous avons de l’eau à boire ou des jus de fruits ou d’autres choses encore, mais ce n’est pas assez. Au Tibet nous buvons du thé, mais le thé ordinaire ne suffit pas, nous voulons le meilleur des thés. Tout cela montre que nous n’avons pas réalisé l’impermanence.
Le Kadampa suggère que nous vivions chaque jour comme s’il s’agissait de toute une vie. Lorsque nous nous levons le matin, c’est comme si nous sortions du ventre de notre mère. Nous nous lavons et c’est comme lorsque nous avons été lavé après notre naissance. Quand nous prenons notre petit déjeuner, nous pensons que nous prenons notre première tétée et nous continuons ainsi toute la journée. Nous étudions et nous faisons nos pratiques, puis le soir quand nous allons nous coucher nous pensons que nous allons mourir. Nous voyons ainsi un seul jour comme s’il était toute une vie. Si nous pratiquons de cette façon, jour après jour, sans en gâcher un seul, nous ne gâcherons pas notre vie. Nous ne devons pas perdre un seul instant. Cette précieuse vie humaine, ce précieux corps humain nous demandent d’avoir un but important, d’accomplir de grandes choses. Si nous le remettons à plus tard, nous n’y parviendrons jamais.
La collection des Sujets et les détails du débat du 12 décembre
Sa Sainteté a expliqué le sens du terme Collection des Sujets : il rassemble le sens de toutes les paroles du Bouddha et des érudits. Il a aussi donné un bref historique du texte et rappelé son importance dans le cursus monastic.
L’année dernière, il y avait des courts débats de 20 minutes et des discussions concernant la justesse de la vue shentong. Cette année, le 12 décembre, il y aura un débat de style occidental sur deux sujets. Le premier portera sur la vue shentong, est-elle juste ou non ? Le deuxième sujet sera de définir ce qui est le plus important, les écrits ou la pratique ? Il y aura un groupe de défenseurs et un groupe de contestataires. Comme c’est un débat de style occidental, certains devront faire partie du groupe des opposants. Il y aura un prix secret pour les vainqueurs.
Pour rassurer les moines, Sa Sainteté a clarifié la différence entre le style tibétain et occidental des débats. Il a dit que si les opposants à la vue shentong gagnaient, cela ne signifierait pas que la vue shentong est fausse mais que les opposants à cette vue auront mieux défendu leur position.