Il n’y a pas de temps à perdre ! J 3 Enseignement sur les 100 Courtes Instructions
Tergar, le 1er décembre 2014
Ce chapitre : Vaste et Profonde Lumière : Instructions sur les deux types de Bodhicitta s’ouvre sur l’importance fondamentale du Guru Yoga dans le chemin vers l’éveil. Il est suivi par les instructions sur le premier des 4 sujets de méditation qui constituent les pratiques préliminaires communes du bouddhisme Tibétain. Leur but est de tourner l’esprit vers le Dharma, le premier sujet porte sur la précieuse vie humaine.
Dans son intervention d’hier, le 17° Karmapa a expliqué que le vie humaine n’est pas forcément précieuse en et par elle-même. De nombreuses personnes doivent faire face à des obstacles ou ne disposent pas des conditions requises pour la pratique du Dharma. Il est aussi difficile d’obtenir la précieuse vie humaine qu’à une tortue, qui ne remonterait à la surface de l’océan qu’une fois tous les cent ans, de passer sa tête dans un joug ballotté par la houle.
Après avoir exposé les difficultés d’obtenir la précieuse vie humaine et les conditions nécessaires à la pratique du Dharma, le texte offre maintenant une réflexion sur la facilité avec laquelle cette opportunité peut être gâchée. Nous nous laissons distraire par des activités ordinaires. Notre motivation est déformée par les huit préoccupations mondaines, même la pratique du Dharma se réduit à ne viser qu’un but pour cette vie.
« Si nous n’utilisons pas l’opportunité qui nous est donnée pour marcher sur le chemin, nous gâchons notre vie. »
Puis le texte aborde le deuxième sujet des pratiques préliminaires communes, l’impermanence et la mort. Son but n’est pas de décourager ou de déprimer le lecteur mais de renforcer ce qui a été dit jusqu’à présent. Nous avons reçu un cadeau précieux, l’opportunité de pratiquer le Dharma, et comme nous ne savons pas ce qui va nous arriver – nos vies sont si fragiles – il n’y a pas de temps à perdre.
La méditation sur l’impermanence débute par une description de l’univers cosmologique bouddhiste. Elle pose la question : si quelque chose d’aussi vaste que l’univers change d’instant en instant et peut être détruit, comment pouvons-nous garder l’illusion que notre vie, aussi fragile qu’une bulle, durera toujours ?
Les êtres font beaucoup d’effort pour vivre leur vie, mais aucun de ceux qui ont vécu n’a échappé à la mort. Certains meurent jeune, d’autres vieux, d’autres au tout début de leur vie. La certitude de la mort accompagne chaque naissance, et nous ne savons pas quand nous devrons mourir. Cette méditation est suivie par une méditation sur le charnier, nous imaginons ce qu’il adviendra de notre corps lorsque nous serons mort. Nous devrons laisser derrière nous tout ce que nous avons essayé d’acquérir au cours de notre vie, nos biens, notre famille, nos amis. Dans un cimetière à ciel ouvert, nos os seront cassés et écrasés, les charognards mangeront notre chair et boiront notre sang. Si nous sommes incinérés, nous deviendrons de la cendre. Si nous sommes jetés à la mer, les poissons nous mangeront.
Pendant que nous en avons encore la possibilité, nous devrions prier les Lamas de nous bénir, abandonner les huit préoccupations mondaines et pratiquer la vertu. Dans ce passage du texte, Sa Sainteté souligne que lorsque nous avons obtenu la précieuse vie humaine, si difficile à obtenir, nous devons pratiquer le Dharma avec diligence, car c’est en cela que réside la préciosité de la vie humaine. Si nous n’utilisons pas notre précieuse vie humaine dans ce but, elle sera semblable à un joyau caché quelque part dans une boîte, ou à 100,000,000$ planqués en vain sous un lit.
Il y a ici une urgence.
« Si un serpent ou un scorpion apparaissait sur nos genoux, nous chercherions à nous en débarrasser rapidement par tous les moyens. C’est ainsi que nous devrions pratiquer le Dharma. »
Revenant au texte, Karmapa insiste sur le changement et la mort inévitables. Il parle de la nécessité d’avoir de justes priorités.
« Les gens pensent ‘ je dois faire mon travail, ensuite je pourrai pratiquer le dharma’. Ils placent tous leurs efforts dans les activités ordinaires. Mais, lorsque vous remettez la pratique à plus tard, il y a toujours le danger que vous pourriez mourir avant. »
L’histoire est remplie d’exemples de choses qui ont été repoussées à plus tard et que la mort a empêché de réaliser.
« Nous devons réfléchir à ce que nous avons de plus utile à faire dans cette vie. La seule chose certaine est que nous allons tous mourir. Tout ce qui est né mourra. La naissance est en elle-même une condition à la mort… nous inspirons et nous expirons sans garantie que nous pourrons prendre une autre inspiration. C’est étonnant que nous soyons encore en vie ! »
Le but de cette méditation n’est pas de nous paniquer mais de nous donner un sentiment d’urgence. Le temps passe vite, nous ne devrions jamais remettre ce que nous souhaitons accomplir. Sinon, au moment de la mort, nous serons remplis de regrets.
La paternité du texte
Lorsque Sa Sainteté avait donné aux moines les sujets du Gunchö, il avait évoqué le travail de détective et l’érudition qu’il avait fallu pour trouver le texte d’étude racine de la Collection des Sujets. De toute évidence il avait pu être établi que le texte racine avait bien été écrit par Chökyi Wangchuk, le 6° Shamarpa.
Il avait expliqué qu’il n’avait entendu parlé de ce texte qu’à son arrivée en Inde. Jangön Kongtrul Rinpoche le cite dans son Trésor de Connaissance et Situ Panchen le mentionne aussi dans l’un de ses écrits.
Quelqu’un avait dit à Karmapa que le texte avait sans douté été préservé par l’école Gelugpa. Il y en avait en fait trois versions, dont l’une publiée par le monastère Tashilunpo. Dans cette version de Tashilunpo, un colophon l’attribue à Jamyang Shepa, un érudit Gelugpa du 17° siècle, Ngawang Tsondru, dont les textes sont toujours étudiés dans 2 grandes universités Gelugpa, Drepung Gomang et Drepung Deyang. On pensait donc que ce texte avait été écrit par lui. Le colophon donnait aussi le nom du monastère où le texte avait été composé, c’est là que résidait le problème, car il n’y avait aucun lien connu entre Jamyang Shepa et ce monastère. De plus, dans le texte, certains des termes utilisés sont spécifiques de l’école Kagyu. Le terme le grand Madhyamaka de la vue shentong n’est pas admis par les Gelugs qui se réfèrent à la vue rangtong.
Après d’autres recherches, Sa Sainteté avait découvert que Jamyang Shepa était l’un des noms de Shamar Chökyi Wangchuk et que le monastère dont il était question était le lieu où il avait étudié avec les grands érudits Kagyu, également mentionnés dans le colophon. Que l’un des noms de Shamar Chökyi Wangchouk était Jamyang Shepa a été confirmé par ses biographies, par son disciple Karma Chakme et d’autres maîtres Kagyu.