Sa Sainteté le Karmapa enseigne sur « la prise de refuge avec l’oeil de sagesse »
Le 5 décembre 2009- Monastère Tergar, Bodhgaya
2ème jour des enseignements
La deuxième session d’enseignements des débats de l’Hiver a commencé le 5 décembre avec Sa Sainteté le Karmapa qui a présidé la prière la prise de refuge et d’autres prières en Sanscrit. Il a parlé de la relation particulière entre la langue Sanscrite et les enseignements du Mahayana qui ont été préservés au Tibet, en évoquant qu’il avait lui-même pris des cours de Sanscrit. Le Karmapa s’est ensuite tourné vers le texte « Les Brèves Notes sur les points difficiles des trois types de Vœux » du 7ème Karmapa, Chödrak Gyamtso. Celui-ci débute avec l’hommage aux Trois Joyaux- le Bouddha, le Dharma, et le Sangha- que le Karmapa a présenté de façon personnelle puis scholastique.
Mettant l’accent sur l’importance de la compréhension des sources de refuge, le Karmapa a donné des explications concises sur les diverses approches sur chacun des joyaux que les disciples des Véhicules du Thérévada, Mahayana et Vajrayana ont analysé. En continuant sur le sujet de la peur et de la foi en tant que causes qui mènent au développement de la prise du refuge dans les trois joyaux, le Karmapa a commenté que la peur qui motive à prendre refuge est la peur de la souffrance ; il existe toutefois diverses compréhensions de la souffrance et formes de souffrances. Il a ensuite détaillé les différentes sortes de peur qui amènent les pratiquants vers un véhicule particulier et vers diverses façons de prendre refuge dans les trois joyaux. Par exemple, les enseignements du « lam rim » catégorisent trois types de pratiquants selon leur capacité; le premier qui est considéré comme inférieur prend refuge pour se libérer de la peur de la souffrance dans leurs prochaines vies et en particulier pour ne tomber dans les trois mondes inférieurs- animaux, prétas et les enfers. Le Karmapa a mentionné qu’il fallait développer sincèrement la prise de refuge dans les trois joyaux et être concernés par les souffrances que réservent les royaumes inférieurs. Cependant de nos jours, de nombreuses personnes empruntent la voie bouddhiste mais ont des incertitudes quant à l’existence de vies antérieures ou futures. Il est difficile de se sentir concerné par la renaissance dans un des royaumes inférieurs, si on ne croit pas en l’existence d’une vie future. En effet, plusieurs personnes en doute. Si la peur de la souffrance n’inclus pas celles des vies futures mais uniquement cette vie présente, toutes nos actions ne seront liées qu’à nos préoccupations de cette vie ci, et notre pratique du Dharma sera alors probablement motivée par les « huit dharmas mondains ». Dans un tel cas, on peut se demander si notre pratique est véritablement une pratique du Dharma.
Comme l’a exposé le Karmapa, le premier des huit avantages de la prise du vœu de refuge est de devenir bouddhiste. On peut se demander si les personnes qui n’ont pas ne serait-ce qu’un peu d’inquiétude envers leurs vies futures, peuvent être considérées comme des bouddhistes, puisque que cet aspect constitue une des raisons qui pousse les pratiquants de capacité inférieure à prendre refuge.
Ainsi donc, notre pratique du refuge doit aller au-delà de la peur de cette vie présente et se fonder sur la peur de souffrir dans les prochaines vies. Il en revient à chacun de se poser la question en son for intérieur et de voir si nous avons une conviction ne serait-ce que minime des vies futures et des règnes inférieurs, ceci pour générer un refuge sincère dans les Trois Joyaux. En exposant ces commentaires, Sa Sainteté le Karmapa regardait tout particulièrement du côté de ses disciples occidentaux. Plusieurs d’entre eux se sont sentis interpellés et ont pris ces mots comme un conseil personnel. Il a cependant ajouté que les bouddhistes ne sont pas tous des pratiquants de capacité inférieure, que le Dharma s’adapte selon le niveau de la personne et offre une voie en accord avec son désir d’évolution.
Sa Sainteté le Karmapa a ensuite expliqué la manière de prendre refuge en soulignant que le refuge n’est pas une chose que l’on reçoit simplement de l’extérieur. Un lama ne peut seul nous le transmettre. C’est à nous de générer la force intérieure qui va nous permettre de travailler sur notre propre libération et omniscience.
En ce qui a trait à la manière de recevoir les enseignements, il a réutilisé l’exemple des trois fautes du récipient: percé, souillé ou placé à l’envers. Dans un style bien personnel qui le caractérise, il a réussi à rendre cette analogie vivante, bien connue des pratiquants bouddhistes, en lui insufflant une nouvelle dimension. Sa Sainteté le Karmapa a demandé à chacun d’examiner son esprit et de déterminer si il était un récipient digne de recevoir le pur Dharma. Nous devons prendre les mesures nécessaires pour nous assurer que notre esprit soit un récipient approprié pour accueillir le Dharma. Nous devons nous mettre à la tâche et nettoyer notre esprit de ses impuretés, s’assurer qu’il soit en bonne condition et ouvert pour recevoir et retenir le pur nectar du Dharma.
Aller assister aux enseignements d’un lama de haut rang comme si c’était un événement ordinaire, est le signe que nous attachons peu de valeur au Dharma. De même que si nous nous installons nonchalamment et attendons que la nourriture soit versée dans notre assiette, a souligné Sa Sainteté. Nous devrions au contraire nous rendre aux enseignements le ventre vide, offrant le bol de notre esprit avec ardeur afin de recevoir le pur Dharma.
Pour ce qui a trait à l’étude des différentes vues philosophiques, Sa Sainteté le Karmapa a demandé aux participants de ne pas développer une attitude bigote ou sectaire en faveur de leur école respective. Il est essentiel de maintenir une harmonie interne entre les différentes écoles bouddhistes afin que le Dharma puisse bénéficier les êtres sensibles et leur donner une source de bonheur. Portant le titre de Karmapa, Sa Sainteté s’est dit être responsable de soutenir une lignée particulière, mais il croit qu’il est important d’étudier les vues des autres écoles et de les comparer entre elles. Il a encouragé les participants à étudier les vues de leur propre école et à étudier au minimum une autre position d’une autre école, ceci pour avoir une compréhension fondée sur la comparaison.
Nous nous engageons dans l’étude, la contemplation et la méditation pour le bénéfice et le bonheur d’autrui, et non pas pour devenir un érudit ou pour obtenir la réputation d’érudit. Le savoir que nous accumulons ne devrait pas être utilisé pour nous valoriser ou pour gagner l’admiration des autres. Si nous obtenons un joyau, nous devrions avoir le désir de l’offrir aux autres afin de les embellir. C’est donc dans le but de partager que nous entreprenons l’étude du Dharma.
En s’adressant directement à ceux qui étaient présents, Sa Sainteté a déclaré que l’essence du refuge est de nous ouvrir les yeux. Nous devons ouvrir nos yeux à la réalité, regarder autour de nous et embrasser la souffrance et le bonheur des autres. En ouvrant nos yeux de sagesse, de même que nos yeux « physiques », nous devons arriver à voir clairement comment cette souffrance se manifeste. En la voyant, nous sommes touchés et générons le désir d’agir pour l’alléger. Ainsi, avec la foi, la confiance et les yeux ouverts, nous pouvons prendre pleinement refuge. Si nous fermons simplement les yeux et répétons la prise de refuge, nous allons d’une ignorance à une autre, d’une obscurité à une autre.