Le Karmapa enseigne sur « un Dharma assez grand qui contient le monde entier »
Le 6 décembre 2009- Monastère Tergar, Bodhgaya
3ème jour des enseignements
Sa Sainteté le Karmapa a parlé d’un nombre de débats difficiles et complexes en clarifiant la façon d’examiner le sujet principal des enseignements du Karma Göncho de cette année : « Comment une personne peut-elle garder les trois types de vœux en même temps ? ». Il a mis l’accent sur le fait que les bons pratiquants bouddhistes sont ceux qui détiennent et préservent les trois types de vœux (vœux de pratimokshas, bodhisattvas et tantriques). Le Karmapa a tout d’abord donné une analyse sur les points principaux de contention qui existent en définissant et classifiant les vœux de pratimoksha et de bodhisattvas. Quelques textes mentionnent les traditions qui confèrent les vœux de pratimoksha selon la tradition du Mahayana. Le Karmapa qui parle couramment le Chinois et connaît les canons bouddhistes chinois a noté que ces derniers préservent un nombre de textes qui décrivent comment préserver ces vœux. Aussi, il a souligné que les canons bouddhistes Tibétains contiennent au contraire uniquement des références et exemples abrégés de ces textes, comme les vœux de sojong (tib) de la tradition du Mahayana qui sont conférés tous les matins pendant le Kagyu Monlam.
En se référant au texte du 7ème Karmapa Chödrak Gyamsto, Sa Sainteté a parlé de la façon de conférer les différents types de vœux et les raisons qui entraînent leur perte ou suppression. Il a fait remarquer que prendre les vœux de niveau supérieur ne supprime en rien les vœux de niveau inférieur. Ces derniers doivent être observés et préservés après avoir reçu les vœux de catégorie supérieure. Cet aspect fait partie de la discipline, qui est la fondation même de toute pratique en tant que bouddhiste. Les enseignements prodigués cette semaine ont pour but de clarifier la relation entre les différents types de vœux et nous aider à savoir comment agir lorsqu’ils semblent se contredire.
Comme l’a souligné Sa Sainteté, le Tibet est devenu le lieu duquel les trois formes principaux des enseignements bouddhistes au travers des trois types de vœux- vœux de pratikmokshas du bouddhisme fondateur, vœux du mahayana et tantriques- ont été transmis et préservés. Tous ont été maintenus au pays des neiges, non seulement sous leurs formes extérieures, mais ont été appliqués à travers une pratique sérieuse de l’intérieur, leur permettant ainsi de prospérer au Tibet. De nos jours cela n’est plus le cas uniquement au Tibet, mais partout où il y a des pratiquants du bouddhisme tibétain. Le Gyalwang Karmapa a affirmé que depuis que le Dharma a fleuri au Tibet, celui-ci s’est étendu dans le monde entier ; on peut donc ainsi véritablement parler de bouddhisme mondial. Du fait de la richesse d’avoir préservé les trois véhicules et d’offrir aux individus des enseignements adaptés à leurs capacités, le Dharma est éminemment inclusif et permet à grand un nombre de personnes de pratiquer le Dharma.
La discipline de l’éthique nous offre une fondation sur laquelle appuyer notre pratique. Nous devrions nous prévaloir des différents types de voeux que nous offre le Dharma, a recommandé le Gyalwang Karmapa, et ne pas seulement les prendre; faut-il encore les garder intégralement, depuis le vœu de la prise de refuge jusqu’aux voeux subséquents. Devenir bouddhiste implique beaucoup plus que de recevoir simplement un nouveau nom, ou dans le cas des moines, de nouveaux habits et un nouveau nom. Il est important de comprendre ce que signifie être bouddhiste et ensuite le mettre en pratique au travers notre comportement et notre pensée a-t-il dit. Par exemple, un des préceptes du vœu de refuge énonce que nous ne devons pas faire souffrir les autres. Ce vœu ne se limite pas aux abus physiques ou verbaux, mais inclus les sentiments d’agression venant de l’intérieure ou les pensées hostiles que nous pourrions nourrir envers certaines personnes. Si nous ne travaillons pas à abandonner ces attitudes, celles-ci ne vont que s’intensifier jusqu’à nous éreinter et nous pousser à causer du mal. Si nous pensons que nous ne sommes pas agressifs parce que nous n’agissons pas agressivement envers les autres, nous devrions alors regarder ce qui se passe au fond de notre être, regarder vers où s’orientent nos pensées et nous demander si nous ne refoulons pas subtilement l’hostilité et l’agression envers les autres. Cet examen de conscience crucial va nous permettre alors de remédier à nos manquements, de sorte que toutes nos pensées deviennent saines et bénéfiques.
Sa Sainteté a ensuite expliqué que le mot « Pratique » en tibétain comporte deux composantes : une désignant » L’expérience » et l’autre l’action de » Prendre ». Nous devrions amener nos expériences au niveau du coeur et les intégrer à notre pratique. Le Gyalwang Karmapa a donné l’exemple des gens qui mendient près du Stupa à Bodhgaya. Certains d’entres eux sont affamés, d’autres sont infirmes ou déments, parfois incapables de s’exprimer et de demander de l’aide. Lorsque nous éprouvons de la compassion envers eux, nous devrions intégrer cette expérience à notre pratique, pour que cela ne demeure pas simplement une expérience du moment.
Sa Sainteté a fait observer que si nous nous consolons en nous disant que notre agressivité n’est qu’un trait de personnalité, nous ne prendrons jamais les mesures pour y remédier. Au contraire, en se familiarisant avec les raisons qui nous inciteraient à changer, des possibilités de transformation se présentent à nous, en commençant tout d’abord par la prise de refuge. Après s’y être entraîné, nous pourrons ultérieurement embrasser d’autres formes de discipline. Nous ne pouvons pas espérer que le Dharma soit efficace si dès le départ nous nous disons : « Je vais atteindre l’éveil rapidement et devenir un Bouddha », et collectionner ensuite les initiations tantriques. Nous devons plutôt commencer par éliminer nos actions non vertueuses. Cela est seulement possible si nous y mettons les efforts et prenons la responsabilité de travailler à nettoyer les impuretés de notre esprit. C’est pour cette raison que nous prenons d’abord les vœux de pratimoksha et bien plus tard les vœux de bodhisattva, et les vœux tantriques.
Sa Sainteté a expliqué que si l’on ne procède pas dans cet ordre, cela serait comme d’essayer de soulever une énorme roche sans avoir suivi un entraînement graduel. Si nous ne sommes pas prudents, la roche pourrait nous retomber dessus. Sa Sainteté a insisté sur le fait qu’il n’y a rien dans ce que le Bouddha a enseigné qui ne soit pas réalisable. Nous devons juste regarder à l’intérieur de nous-mêmes afin de déterminer notre capacité réelle et prendre les vœux que nous pensons pouvoir tenir et observer, et ne prendre que ceux-là. Il n’y a pas d’autres façons d’atteindre l’éveil. Nous devrions être convaincus que nous avons les capacités de base requises; nous devons juste avancer pas à pas, au travers des pratiques qui conviennent à nos capacités.