Message du Karmapa à l’occasion de son 30ème anniversaire
Gyuto, le 21 Juin 2015
Cette année marque mon trentième anniversaire. Et il y a quinze ans que j’ai quitté le Tibet pour venir en Inde. Ce trentième anniversaire est considéré comme une date de grande importance et de nombreuses personnes m’ont demandé de le célébrer avec une solennité toute particulière. J’ai pourtant décidé de ne pas célébrer mon anniversaire, et ce pour plusieurs raisons que j’aimerais partager avec vous ici.
Au cours de toutes ces années, depuis que j’ai quitté le Tibet, je n’ai jamais revu mes parents. Ils sont âgés à présent. Ce sont eux qui m’ont donné ce corps et qui l’ont nourri, le jour de mon anniversaire je ressens donc plus profondément leur absence.
Depuis mon arrivée en Inde, il y a 15 ans maintenant, je vis en résidence temporaire dans le monastère de Gyuto à Dharamsala. Bien que le monastère de Gyuto se soit montré exceptionnellement aimable et hospitalier, il est peu convenable de la part d’un invité de causer, année après année, d’inutiles dérangements pour une fête d’anniversaire.
De surcroît, chaque anniversaire ne fait pas seulement remonter en moi le souvenir de mes parents, mais également celui de l’étincelante beauté de l’environnement naturel et parfaitement pur, dans lequel je suis né et qui m’a vu grandir. Cela intensifie encore mon sens de l’urgence pour une protection des écosystèmes du Plateau Tibétain et de tout l’Himalaya. Comme je l’ai déjà exprimé, la région des glaciers est la source des principales rivières d’Asie, et représente le 3ème Pôle du globe lui-même. C’est pourquoi le Plateau Tibétain joue un rôle important pour le bien-être et la subsistance de ceux qui y vivent, mais aussi pour toute l’Asie et même la planète entière. Puisque la culture et le mode de vie tibétains ont toujours existé en harmonie avec cet environnement depuis des milliers d’années, je ressens sa protection comme une urgence absolue afin de préserver cet environnement crucial.
Ceci n’est pas seulement vrai pour le Plateau Tibétain, mais concerne aussi toute la région himalayenne, dont le Bhoutan et le Népal, ainsi que les états indiens de l’Himalaya comme celui du Sikkim. Le Bhoutan représente un excellent exemple de l’importance du maintien d’un mode de vie si bien adapté à l’environnement himalayen. Son engagement à agir ainsi est réellement louable.
Je n’ai pas encore pu m’y rendre, mais plusieurs amis m’ont dit que le Sikkim est un état paisible et protecteur de son environnement. Le siège principal de la lignée de réincarnation des Karmapas est le monastère de Tsurphu au Tibet, j’ai eu la merveilleuse opportunité d’y vivre. Lorsque le 16° Karmapa a quitté le Tibet, il a bâti un siège monastique à Rumtek au Sikkim, il fait actuellement partie de l’Inde.
De nombreuses personnes du Sikkim ont tissé un lien profond et sacré avec le 16ème Karmapa, elles ont maintenant reporté sur moi leur dévotion. Beaucoup d’entre-elles m’ont présenté à plusieurs reprises la requête que je vienne les voir. C’est mon vœux le plus cher de pouvoir me rendre au Sikkim afin de les rencontrer, d’honorer ces liens sacrés et de faire un pèlerinage dans les lieux saints.
Le Népal ne s’est pas encore remis de la terrible destruction et des pertes de vies dues aux récents tremblements de terre. J’ai demandé à mes monastères de moines et de moniales de prier pour ce pays mais aussi de lui apporter une aide pratique. Je leur demande maintenant de poursuivre cette aide inlassablement, tant que la reconstruction et la guérison ne sera pas totale. Ce tragique séisme montre de toute évidence la valeur et l’importance de l’environnement naturel. Nous devons y voir une leçon et intensifier nos efforts pour préserver et protéger notre planète. Elle a été cette mère aimante et source de vie qui nous a tous nourri.
Ce sont toutes ces raisons qui me poussent à ne pas célébrer personnellement mon anniversaire. Je comprend que d’autres puissent néanmoins vouloir marquer ce jour. Je ne veux empêcher personne d’organiser une célébration si tel est son souhait.
De mon point de vue, je ne pense pas avoir accompli quoi que ce soit que je puisse considérer comme louable au cours de toutes ces années. Je n’ai rien fait et pourtant j’ai reçu beaucoup de soutien et d’amour de nombreuses personnes. Je veux profiter de cette occasion pour les remercier toutes du plus profond de mon cœur.